Le coup de canon à midi pétante - ah bon, t’es pas niçois ? -, le vert stroboscopique des enseignes de pharmacie H24, ton portable et la position du soleil en C4, on est d’accord, la nécessité de porter une montre pour être au courant que tu es encore super à la bourre n’en est plus vraiment une. En même temps, cela fait bien longtemps que la fonction a déserté l’objet pour laisser place à une foultitude de raisons qui nous poussent inexorablement vers l’achat compulsif d’un garde-temps, cet accessoire qui a su, à travers les siècles et les siècles, entretenir son petit soupçon de magie.
Tu seras un homme, mon fils
Il est des événements qui marquent une vie : ton fils est sorti victorieux de sa bataille avec Parcoursup - il a brillamment choppé une 354 ème place sur une liste d’attente pour devenir vétérinaire en ostéopathie fonctionnelle -, ce qui t’a fait brutalement prendre conscience que ce petit être, hier encore, malléable et capricieux, devenait un homme - et que toi, tu devenais un homme sage. « C’est donc le moment idéal…. », t’es tu dis, un brin nostalgique mais si fier, « pour introniser mon fils ». Symbole de cette passation initiatique : tu accroches à son poignet glabre cette montre que ton père et le père de ton père - ainsi de suite… - t’avais alors remis les yeux mouillants et le geste sûr. La montre comme transmission d’un nom et d’une histoire, ton lègue à la postérité.
Un bijou qui fait mâle
T’as pas forcément la force de caractère de Mister T. qui assume, sans broncher, son quintal d’or massif autour du cou - d’ailleurs, personne de normalement constitué n’oserait lui reprocher son manque de sobriété - et pourtant, tu as envie, toi aussi, de pénétrer chez le bijoutier. Chevalières, gourmettes, chaîne en or qui brille, t’as du mal à sauter le pas et heureusement que la montre est là pour te proposer une alternative masculine au solitaire de quatre carats.
Pour la beauté du geste
Tel un cabri des montagnes gracieux, tu cours ta vie en sautillant d’apéros tapas en réunions créa….ou tu ne fais rien de tout cela cherchant désespérément un sens à ta vie. Dans cette fuite en avant frénétique - oui, je sais, le tableau est un peu noir…c’est dire l’importance de ce qui va suivre…- ton plaisir à toi, secret, caché, dissimulé, c’est de consulter l’heure qu’il est pour le délice d’un tête à tête esthétique avec cette montre qui te plaît temps. Tu es toqué de ta toquante, égoïstement, sans ostentation, et on se demande à quel point tes prises de RDV ne serait pas un prétexte habile pour contempler celle qui orne ton poignet.
La seule, l’unique
T’es pas un mec facile et c’est pas la première Flik Flak venue qui va t’accompagner durant les prochains milliers de secondes. Celle que tu choisis est le reflet de toi même, ton double mécanique, celle qui s’ajuste à ton poignet, la montre particulière qui perce d’un coup d’aiguille ton moi profond et s’adapte à ton moi social - plus festif celui là -. Car tu es le seul, l’unique et ta petite dernière cadre parfaitement à ton envie de singularité.
Être pris au sérieux
Y’a ceux qui optent pour des talonnettes de 5 cm, un whisky cul sec ou des cours d’éloquence à la Sorbonne en vue d’affronter avec brio ces moments qui rendent ta vie épique : ce très formel entretien d’embauche, ton discours humaniste à l’occasion d’une collecte de fonds, ton pitch au Startup weekend de Chantilly. En ce qui te concerne, t’as tout misé sur une montre. Symbole de ton sérieux et assurance, elle est un gage de ta maturité. Nécessairement, tu survoles.
Est-il utile de préciser que cette liste d’excellentes raisons est loin d’être exhaustive… Et dorénavant, et grâce à elle, ce terrible dilemme, qui chaque mardi 15 juillet t’assaille : « Mon PEL, je pioche dedans pour une machine à glaçons ou cette montre iconique ? » sera enfin promptement résolu.
Madame 21 Grammes
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